Marche en l’honneur de Vanesa Campos
Samedi 22 septembre 2018 avait lieu une marche blanche en l’honneur de Vanesa Campos, travailleuse du sexe trans’ assassinée au Bois de Boulogne le 16 Août 2018. Cette marche à l’initiative de l’association Acceptess-T a rassemblé plusieurs centaines de personnes dont le Bus des Femmes.
Le texte de Françoise Gil, présidente à l’époque du Bus des Femmes :
Ce n’est pas qu’une arme qui a tué Vanesa, c’est aussi le mépris pour les prostituées/travailleuses du sexe. La loi de 2016 en est la traduction évidente. La mouvance abolitionniste s’est auto-proclamée détentrice de vérité, seule consciente de la souffrance et de l’aliénation supposées des « personnes prostituées », seule capable de sauver des victimes qui s’ignorent, mais aussi seule à pouvoir se féliciter des effets du lobbying qu’elle exerce dans les cercles du pouvoir, à l’origine de l’audience privilégiée dont ils bénéficient auprès des parlementaires.
Bien que nous ayons alerté député-es et sénateurs/trices, cabinets ministériels et autres sur les conséquences prévisibles de cette loi inique, basée sur des fondements purement dogmatiques, les
abolitionnistes de tous bords ont eu raison de nos arguments. Pour convaincre du bien-fondé de cette loi, ses instigateurs n’ont pas hésité à manipuler les données existantes, comme, par exemple, l’affirmation
selon laquelle 90% des personnes concernées sont issues des réseaux mafieux ! Ni à inventer un nouveau champ lexical à vocation de dramatisation et de culpabilisation des actrices et acteurs d’un monde qui leur est totalement étranger.
Toute cette entreprise de moralisation, mâtinée d’un puritanisme digne de l’époque victorienne, véhicule des sentiments de mépris, voire de haine à l’encontre des travailleu-r-ses du sexe qui, de ce fait, se retrouvent dans une position de vulnérabilité extrême facilitant les agressions. Vanesa Campos l’a récemment payé de sa vie. Une autre femme trans’ a failli connaître le même sort il y a quelques jours et, au cours de ces deux dernières années, d’autres agressions graves se sont produites au Bois de Vincennes sur des femmes dites traditionnelles.
Ces agresseurs ne sont pas des clients, répétons le ! Ils sont ce qu’ils sont, à savoir des gens qui, pour diverses raisons, pécuniaires, putophobes et transphobes, profitent des retombées de cet état d’esprit et de la dégradation des conditions de travail qui en découlent. La violence symbolique, violence qui ne dit pas son nom mais qui œuvre dans le dénigrement des personnes impliquées dans la prostitution/travail du sexe en les rabaissant à la position de victimes. Bien qu’invisible pour l’opinion publique, elle produit des effets délétères que nous, associations, qui défendons les droits des personnes engagées dans le travail sexuel sommes en mesure de constater quotidiennement.
L’heure est venue d’en finir avec cette politique ignorante des réalités, au point de décider de mesures totalement inappropriées au regard de la population en exercice, irresponsable quant aux effets
désastreux sur la population concernée. Une poignée de « féministes abolitionnistes » a opté pour la répression des hommes et l’humiliation des femmes. Un programme d’avenir ! Comme les décideurs font
preuve d’absence totale de pensée propre, on s’inspire des pires modèles du point de vue des résultats. Nous savions pourtant grâce au réseau européen de sexworkers et aux mises en garde répétées de Pye
Jakobsson, activiste suédoise sur ce fameux modèle suédois qui s’est avéré catastrophique pour les femmes et leurs familles (cf doc. D’Ovidie).
Et que fait l’État pour protéger les personnes en danger, pour qu’elles soient des sujets de droit comme tout résident de ce pays ? Il finance les diverses ONG en lien avec le travail du sexe, selon leurs positions
idéologiques sur la question. Mais, soyons clairs, nos associations font le travail que devrait assumer un État responsable de la sécurité de toute personne résidant sur le territoire !
Quand j’entends des propos, tels que « ce sont quand même des Êtres humains », j’entends avant tout la gêne que représentent des personnes qui dérangent clairement l’ordre établi, la reproduction de normes privilégiant le couple hétérosexuel et la descendance issue de leur union. Une traditionnelle m’a récemment dit « nous sommes des parias dans cette société ». Et, bien que beaucoup d’entre elles soient
des mères de famille, le stigmate de pute fait barrage à toute reconnaissance de leur inscription dans ce que Foucault appelle « le dispositif de sexualité » qui définit le prescrit et l’illicite.